Démarche
Mon univers
"J’ai probablement été attirée par la peinture grâce à la découverte, très jeune, de la boîte de couleurs, chevalet et esquisses appartenant à un oncle disparu prématurément. Cette découverte, ressentie alors comme une transmission, un legs, s’est changée en passion, art de vivre. Mieux encore, une énergie à garder, travailler et faire vivre. Munie de cette force, je peins, dessine et démarre avec ce qu’il y a de plus difficile, l’encre de Chine. Matériau noble qui ne pardonne ni tremblement ni faux pas. L’encre m’accompagne de longues années. Elle règne au cœur de compositions allégoriques, scènes de la vie, paysages et portraits. Le noir domine, les couleurs sombres inondent la toile, le bois et le papier. Le qualificatif de « peintre triste » qui ne tarde pas à être associé à mon nom ne me gène pas. Il m’amuse car il ne correspond à rien.
Mes créations déroutent. Elles vont dans tous les sens, toutes les directions. Je ne me cherche pas contrairement à ce que l’on dit. Je prends juste des voies différentes, des sentes, des chemins de traverse, des sentiers cabossés et tortueux, caillouteux, ne restant jamais longtemps dans la même tendance. Je joue, essaie de nouveaux matériaux, expérimente. Je n’ai pas de style propre, mais des styles car je m’ennuie dans ce que je maîtrise et sais faire. Un peu aventurière et surtout rebelle, j’aime prendre des risques, travailler sans filet, dans l’urgence, osant des mélanges aussi surprenants qu’ils puissent paraître comme l’eau de javel, les jus de thé ou de plantes, les encres et acryliques, la cire, la cendre, bougie et autres matières séchées ou récupérées à qui je donne une seconde vie.
Diversement orientée, ma peinture est très largement instinctive ; l’essentiel étant de laisser s’exprimer mes tripes, mes émotions et états d’âme. Ainsi, le travail évolue sans cesse, allant du figuratif revisité à l’abstraction en passant par des variations géométriques parfumées de voyages et de Méditerranée.
Les dernières créations figuratives imaginaires prennent vie, s’épanouissent par la superposition de matériaux, entre marouflage, acrylique écrasée au couteau, pâte à structurer, journaux collés, grattés, déchirés, carton ondulé… Là, j’insinue plus que je ne dévoile et redonne toute sa noblesse au passé. Un passé loin de toute nostalgie mais un passé bienheureux aux allures de mystère entre dorure et dépouillement. Comme pour redonner vie à de vieux pans de murs oubliés et rongés par le temps, les heurts, les mystères, les mauvais jours, les vents tourbillonnants et hurlants, les pluies qui délavent, les trahisons ou instants de bonheur. Cette dernière tendance qui s’est imposée au fil des ans après mille et une voies explorées permet désormais de faire découvrir mon univers. Un univers mêlant contemporain et art pariétal d’où surgissent des personnages aux visages anonymes. Un univers sans cesse réinventé où la gamme de couleurs - des couleurs salies le plus souvent - éblouit ou trouble le regard. L’essentiel étant de susciter une émotion, créer une atmosphère, intriguer, conduire au questionnement, l’interrogation.
Les personnages, volontairement anonymes, invitent à l’évasion, au voyage dans le lointain passé… sans doute celui de mon île. Ile de tourmente et d’amour, île de guerre et de paix. Ile où rien ne s’envisage sans rappel à l’identité, aux racines, à la liberté. Et si les étranges personnages n’étaient autres que de bienveillantes sentinelles, des gardiens de la mémoire ? L’univers que je dévoile et qui est en perpétuel mouvement est aussi là pour fuir ce que je connais et ne pas être emprisonnée dans ce que je sais faire. Une mise en danger certainement, mais une mise en danger vivifiante, hurlant ou chuchotant que je n’ai pas encore tout dit…"
Anna Grazi
Démarche artistique
Anna Grazi vit en Corse à Corte, entourée de ses montagnes. Elle participe régulièrement à des expositions, salons et biennales. En parallèle elle expose dans des galeries tant sur son île natale, qu’à l’étranger. Anna veut montrer ce qu’elle sait faire et aime faire voyager ses œuvres. Elle peint à plat, accroupie sur la toile ou debout sur son chevalet travaillant de très longues heures sans voir passer le temps et demeurer dans son univers seule au monde.
Elle aime le mélange des matières et leur superposition, ce qui la conduit peu à peu à cette dernière facture de style figuratif de tendance imaginaire. Une tendance où elle s’épanouit et travaille au gré des inspirations, papier de soie, papier journal, carton ondulé, pâte à structurer, restes de peinture séchée, cailloux, cendre et ferraille rouillée. Elle étale ses acryliques, racle les matières, colle puis déchire le papier, jouant avec les mots des bribes de journaux qu’elle maroufle. Anna a été journaliste pour la presse écrite durant de nombreuses années. Elle aime la danse des mots sur le papier. Avec ses couteaux, elle écrase la peinture jusqu’à l’estomper, l’effacer, l’oublier. Puis de manière successive, elle rajoute la couleur, la distille comme si elle redonnait toute la noblesse à de vieux murs rongés, délabrés par le temps. Anna choisit ses couleurs, les fabrique, les travaille, les salit, les rend harmonieuses, liées les unes aux autres. Avec les grands aplats ou détails de peinture dorée, elle donne à ses créations un caractère particulier, à la fois contemporain et ancien … entre icônes précieuses et art rupestre. Sa peinture a une âme, restituant aussi parfois des symboles et un voile de spiritualité.
Anna vous emmène dans son univers où vivent des personnages énigmatiques aux silhouettes épurées, aériennes, aux visages anonymes et lumineux. Tels des fantômes de l’histoire. L’artiste suggère plus qu’elle n’affirme. Ces personnages prennent alors le relais, informent sur leur être, leur authenticité, mais pas trop. Pourtant, ils sont bien là, debout, comme ces hommes et femmes figés sur les photos de famille d’autrefois, là à vous regarder et vous observer, incitant à aller au fond de la toile. Derrière ce qui se voit et s’offre au regard. Ils invitent à aller les rencontrer et ainsi effleurer leur âme…
Amalia Luciani